Issu de la philosophie sartrienne, l'existentialisme a connu une vogue exceptionnelle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Bons Vian, animateur principal de la vie nocturne de Saint-Germain-des-Prés, caricature la « situation >> de cet après-guerre enchanté dans son roman L'Ecume des jours (1947). L'intrigue se situe à l'époque contemporaine dans un Paris fictif, caractérisé par l'omniprésence de la culture populaire américaine : jazz, cinéma, etc. Toutefois, les images empruntées à l'Amérique mythique font ressortir non pas sa splendeur, mais sa monstruosité : Colin, héros créé par une opération de « copier - coller » d'une comédie musicale hollywoodienne, symbolise l'homme réduit à l'état de signe; quant à la prolifération des objets, elle représente plus une menace qu'un enrichissement. Chose curieuse; c'est la parodie d'une philosophie française qui illustre précisément les maux de la société capitaliste américaine. Ici, le mouvement existentialiste apparaît comme un boom superficiel, et donc, comme une « flottaison » fantasmagorique des signifiants. En effet, la conférence de Jean-Sol Partre n'est rien d'autre qu'un spectacle, c'est-à-dire un divertissement à sensation, vide de contenu. De plus, le phénomène Partre dresse un piège subtil : celui du fétichisme de la marchandise. Chick ne lit pas Partre, mais en collectionne fanatiquement les éditions rares, les manuscrits, voire les vieux vêtements... Ces « reliques » le fascinent audelà de toute valeur d'usage, car, pour lui, seule compte la marque de son idole. La fin misérable du collectionneur ruiné dénonce l'aliénation de l'individu dans la société de consommation. Ainsi, ce vacarme nous permet de voir la réalité de nos jours sous son véritable aspect : aussi étincelante et fragile, vaporeuse et éphémère que l'écume qui flotte.