広島大学文学部紀要 Volume 56
published_at 1996-12-27

カミュの作品にみる樽職人の叔父像の変遷

Transformation du portrait d'un tonnelier, un des oncles de Camus
fulltext
821 KB
HUSFL_56_249.pdf
Abstract
Un des oncles de Camus, Etienne, tonnelier, presque muet et boiteux, qui cohabitait avec Camus pendant son enfance, colore de sa présence plusieurs ouvrages de son neveu. La transformation de l'image de cet oncle nous montre bien l'itinéraire de Camus vis-à-vis de sa famille.

Dans La Mort heureuse, il entre en scène comme modèle de Cardona, tonnelier, voisin de Mersault. Cardona est «sourd, à demi muet, méchant et brutal.» Sa soeur l'a quitté parce qu'il s'est disputé avec un ami qu'elle avait reçu. Le jeune Camus accentue ainsi son caractère violent et dépeint négativement le tonnelier qui symbolise par ailleurs un homme misérable dans un quartier pauvre.

Mais dans ses dernières années, Camus le montre sous un jour idéalisé et purifié. Yvars, héros des Muets, lui aussi tonnelier et boiteux, âgé de quarante ans, aimait la natation dans sa jeunesse bien que maintenant il n'aime plus la mer qu'à la fin du jour. Ce n'est plus un célibataire misérable et brutal comme Cardona il a trouvé au contraire, quoique pauvre, une paix tranquille dans la vie familiale, avec sa femme et son garçon.

Dans Le Premier Homme, la tendance à la purification ainsi que celle à l'objectivité s'accroissent encore davantage. Le tonnelier apparaît sous son vrai nom, Etienne, et cohabite avec son neveu Jacques, le héros. Quoiqu'il soit «à demi muet» et qu'il ne puisse employer qu'une centaine de mots, il est doué, lui, d' «une sorte d'intelligence» et d'une grande richesse d'imagination, qu'il exprime «par onomatopées et par gestes», et il acquiert ainsi une popularité dans un café qui était pour Cardona un refuge contre les terreurs de la solitude. D'ailleurs, il n'est plus boiteux et il est plein de vitalité en comparaison d'Yvars. Il aime toujours Jacques à sa manière, l'emmène souvent à la mer et à la chasse, et remplit ainsi dans cet ouvrage, pour Jacques, le rôle d'un des substituts du père. Camus reçoit enfin son oncle comme un des membres de sa propre «famille» dont sa mère constitue le centre. La transformation du portrait d'un tonnelier nous prouve ainsi que Camus avait la volonté de se créer progressivement une sorte de Sainte Famille.