広島大学フランス文学研究 Issue 35
published_at 2016-12-25

ボーヴォワールの回想録における語りの変遷について

Sur les changements de procédés narratifs dans les Mémoires de Simone de Beauvoir
Ikazaki Yasue
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Abstract
Simone de Beauvoir a entamé la rédaction de son autobiographie à l’âge de quarante-huit ans et y a travaillé jusqu’à soixante-dix ans passés. Cette continuité temporelle permet d’observer des changements dans les procédés narratifs employés : ordre chronologique, ordre thématique et récit fondé sur le principe du journal intime.

Les Mémoires d’une jeune fille rangée sont consacrés à l’adolescence du je-narré. À partir de La Force de l’âge, du fait de la présence de Sartre dans la vie de l’auteur, la narration passe à la première personne du pluriel. Au milieu de La Force des choses, le je-narré démarre la rédaction de ses Mémoires et y rejoint le je-narrant. L’ordre chronologique dans ces trois volumes est inséparable de cette jonction du je-narré et du je-narrant.

Dans Tout compte fait, la narratrice suspend le cours du temps de son autobiographie en procédant à une construction thématique du récit. Le je-narré et le je-narrant ne formant qu’un seul et même sujet, la narratrice ne reconnaît plus aucun changement dans sa vie et ne recourt plus alors à l’ordre chronologique. En outre, elle garde le silence sur les circonstances de l’adoption d’Arlette Elkaïm par Sartre. Ce procédé narratif, choisi pour aborder certains thèmes, lui permet de taire certains événements. La modification de sa relation avec Sartre motive sans doute la transition de l’ordre chronologique à celui, thématique, de Tout compte fait.

Or, Beauvoir ne tient de journal intime que « dans les grandes circonstances », pendant les guerres ou lors de l’apparition de M., puissante rivale. L’insertion d’extraits de son journal intime dans les Mémoires crée ainsi une suspension et témoigne à chaque fois d’un ébranlement de la conviction de la narratrice. La Cérémonie des adieux est elle aussi basée sur le journal de l’auteur. Tout en procédant de nouveau par ordre chronologique, ce récit est cependant entièrement consacré aux dernières années de Sartre. S’appuyant sur le journal intime, il fait entrevoir des remises en question de la narratrice face à l’altération de la santé de Sartre. Variant d’un tome à l’autre, les procédés narratifs préparent finalement la mort, en retraçant les dernières années de ce qui a été une part d’elle-même : son compagnon de vie.