En 1910, Marie-Claire, roman autobiographique de Marguerite Audoux, connaît un immense succès en France. Alors qu'à cette époque, la vente des romans n'atteint en général que les 2.000 exemplaires au plus, il se vend à 75.000 exemplaires. Dans leur grande majorité, les lecteurs le considèrent comme une curiosité car son auteur, ancienne bergère sortie de l'orphelinat, est une couturière quasiment aveugle. Mais les écrivains qui la découvrent sont frappés par son exceptionnel talent. Notamment Charles-Louis Philippe qui lie avec le premier groupe de la Nouvelle Revue française.
L'examen du mouvement littéraire, brillamment révélé en 1913 – l'année du Miracle –, révèle les relations entre le groupe N.R.F. et Marguerite Audoux. Cette année où Jaques Rivière dans un manifeste passionné, « Le roman d'aventure », définissait la nouvelle direction du roman, la Nouvelle Revue française publie « A.O. Barnabooth, Ses OEuvres complètes » de Valéry Larbaud, « Le Grand Meaulnes » d'Alain-Fournier, « Jean Barois » de Roger Martin du Gard.
La référence aux écrits de ces auteurs, fait apparaître une conscience commune pour « le roman nouveau » qui se cristallise vers 1913. Fortement marqués par le Symbolisme, ils étaient engoncés dans « l'obscurité et l'ennui » du XIXe siècle, et il leur fallait devenir des « barbares » capables d'exprimer le cri de l'âme comme le faisait Dostoïevski.
Il est possible que Marguerite Audoux, authentique « barbare », leur soit soudainement apparue comme une révélation propre à leur ouvrir cette voix qu'ils cherchaient. Ainsi, Marie-Claire aurait servi de tremplin à ces talents épanouis simultanément en 1913. C'est là, pensons-nous, une suggestion qui pourrait éclairer d'un jour nouveau le mouvement littéraire du début du XXe siècle.