On connaît, d'une façon générale, plusieurs imprimés précédant la publication en volume d'une oeuvre littéraire. C'est ainsi que Gérard Genette souligne l'importance de ce qu'il appelle la « prepublication » en prenant l'exemple de l'Ulysse de James Joyce dans ses recherches sur la transtextualité qui commencent par l'Introduction à l'architexte (1979) et se prolongent jusqu'aux Palimpsestes (1982). L'idée est d'autant plus importante, quand on fait face à des oeuvres du XXe siècle, époque où s'est multipliée la publication partielle et préalable des textes dans des revues ou dans des journaux.
Le Baudelaire de Jean-Paul Sartre connaît aussi une prépublication avant que l'ouvrage serve au préface aux Écrits intimes de Charles Baudelaire publiés par les éditions Point du Jour en 1946. Un premier texte, partiel donc, fut rendu public en 1945 dans la revue Confluences, et un autre fragment fut imprimé dans les Temps modernes au cours de la même année.
Or les Écrits intimes préfacés par Sartre font partie avec cinq autres titres d'une collection nommée « Incidences ». La recherche menée à la Bibliothèque nationale relative à la collection intégrale nous révèle qu'elle se caractérise par ses préfaciers et par ses textes. En effet, les préfaces sont rédigées par des écrivains déjà connus comme Rollande de Renéville, Albert Camus, Jean Paulhan, Jean Cassou et Raymond Queneau; et l'on y publie des textes, soit inédits, soit rarement édités auparavant.
La collection est accompagnée d'une note de l'éditeur dont le nom est donné en abrégé comme « R. B. », surtout après le troisième numéro. Michel Contat et Michel Rybalka l'identifièrent comme « René Bertelé » dans leurs Écrits de Sartre, mais le nom « René Bertelé » évoque le rédacteur en chef de la revue Confluences dans la nouvelle série depuis 1945. Il reste à vérifier cette piste pour confirmer l'existence d'un relation étroite entre la collection « Incidences » des éditions Point du Jour et la revue Confluences.
Aussi resterait-il encore des recherches à mener afin de rétablir la relation entre la revue et la collection dans la perspective génétique du Baudelaire de Sartre, et il faudrait poursuivre celles-ci en suivant la filiation des documents concernant les lois sous le régime Vichy et sous l'Occupation aux Archives nationales ou d'autres bibliothèques. Nous ferons aussi à l'occasion un rapport de ces différents résultats.