広島大学総合科学部紀要. V, 言語文化研究 Volume 11
published_at 1986-02-28

Corneilleの«Suréna»について

Suréna de Corneille
Murase Nobuya
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Abstract
Suréna, la dernière pièce de Corneille, est une tragédie monotone; on dirait qu'il s'agit d'une élégie. Suréna, général d' Orode qui est roi des Parthes, triomphe des Romains à Carrhes mais se fait assassiner par le roi. Car il refuse d'épouser sa fille; le roi s'inquiète de laisser indépendant un sujet aussi puissant que Suréna.

Ce qui nous frappe, c'est que cette injustice ne provoque chez lui aucune résistance et qu'il accepte la mort avec calme. Stoique, le héros se contente de mépriser en lui-même celui qui le persécute. Il ne fait aucun effort pour essayer de préserver sa vie. La monotonie de la pièce provient sans aucun doute de la passivité de son attitude.

Pourquoi a-t-il perdu toute envie d'agir? D'abord, en tant que sujet loyal, il ne veut pas se rebeller contre le roi, même si celui-ci se montre injuste. Sa fidélité à l'absolutisme, si l'on me permet cet anachronisme, l'empêche de passer à l'action. Mais, il n'en reste pas moins que, comme nous l'avons dit, il méprise au fond de son coeur le roi Orode et ne croit guère la raison d' Etat qu' invoque celui-ci.

En second lieu, cette passivité résulte peut-être du pessimisme du héros. Sa lucidité abolit chez lui l'échelle des valeurs qui animent Rodrigue, Horace ou Polyeucte: l' honneur de la famille, la raison d' Etat, la religion qui s'appuie sur la croyance à la vie éternelle ne l'enthousiasment plus au point de risquer allègrement sa vie pour eux. Le héros qui est en un sens un individualiste trouve donc que son amour pour Eurydice est la seule chose qui compte.

Son pessimisme profond l'oblige à affronter les aspects les plus sinistres du coeur humain: la férocité de la jalousie qui peut déterminer presque toutes Ies actions d'un homme. En apparence, la tragédie de Suréna semble provenir de son choix volontaire: il choisit de se sacrifier à l'amour plutôt que d'accepter un mariage de raison. Mais, en réalité, il n'y a pas d'alternative. C'est la jalousie du roi qui entraîne le dénouement tragique et non pas le choix du héros. Suréna dit à Eurydice: "Madame, ce refus n' est point vers lui (= le roi) mon crime: / Vous m'aimez; ce n' est point non plus ce qui l'anime. /Mon crime véritable est d' avoir aujourd' hui /Plus de nom que mon roi, plus de vertu que lui; / Et c'est de là que part cette secrète haine / Que le temps ne rendra que plus forte et plus pleine./ Plus on sert des ingrats, plus on s'en fait haïr." Si la jalousie du roi est si intense, il est inutile d' essayer de se réconcilier avec le roi. C'est ce qui explique l'attitude passive du héros. On peut dire que la monotonie élégiaque de Suréna est causée par un pessimisme qui reflète peut-être celui du vieux dramaturge.