広島大学総合科学部紀要. V, 言語文化研究 Volume 9
published_at 1984-02-29

Corneilleの«Othon»について

Othon de Corneille
Murase Nobuya
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Abstract
Othon fut représenté pour la première fois devant la Cour à Fontainebleau par les acteurs de l'Hôtel de Bourgogne en août 1664, puis en novembre sur leur théâtre.

G. Couton montre bien dans La Vieillesse de Corneille quels évènements politiques ont exercé leur influence sur la pièce et comment le poète y approuve le gouvernement personnel de Louis XIV.

En 1661, le Roi se mit à gouverner personnellement. Il fit arrêter Fouquet, après une fête trop somptueuse à Vaux, où celui-ci l'avait invité. Lors de la saisie des papiers de Fouquet, on trouva un mémoire du surintendant où figurait le nom de Corneille; il aurait adjugé la ferme des douanes intérieures à un certain A. Marchand, à condition qu'il verse en échange une pension à plusieurs personnes, dont Corneille.

En fin de compte, en considération "du mérite et de la réputation" du poète, la Cour lui pardonna. Mais cet évènement impressionna la clientèle de Fouquet et notamment Corneille. Ils passèrent en bloc au service de Louis XIV et firent son éloge.

En l'année 1663, le Roi pensionne lui-même une soixantaine de gens de lettres dans toute l'Europe. Corneille recevra 2,000 livres par an: traitement de faveur pour un écrivain peu utile en dehors de son art. Tallemant se moque de lui, en disant qu'il n'a pris ce sujet (= couronnement d'Othon) que pour faire continuer les gratifications du Roi en son endroit."

En effet, il y a dans la pièce plusieurs passages où l'auteur semble prendre parti pour l'absolutisme: d'une part, il déplore les malheurs d'un Etat où les ministres mènent le roi comme un pantin (cf. 621-626); de l'autre, il admire le règne d'un puissant monarque qui "consulte et résout seul, écoute et seul décide (618)."

Tallemant continue à se moquer du poète: "ce dévot y coule quelques vers pour excuser l'amour du Roi." On n'a pas pu préciser le passage auquel il fait allusion. Mais il est vrai que, dans Othon, l'auteur se révèle indulgent pour le goût que montre le prince pour les plaisirs (cf. 925-926, etc.).

Cependant, un lecteur moderne ne s'intéresserait pas beaucoup au problème de savoir si l'auteur a eu l'intention de faire l'éloge du Roi et de l'absolutisme. D'ailleurs, s'il a eu cette intention, on ne peut dire qu'elle fut couronnée de succès: la conduite du héros est trop ambigûe et trop passive pour lui attirer la sympathie et le faire admirer.

Othon aime-t-il vraiment Plautine? En apparence, il se comporte en parfait amant envers sa bien-aimée. Mais chez lui, l'ambition n'a-t-elle jamais trahi l'amour? C'est sans doute très natural, parce qu'il vit dans une cour qui obéit à la loi de la jungle.

Il n'est pas pourtant assez ambitieux pour tout sacrifier à son élévation au trône. En vérité, il ne fait rien dans ce but de sa propre initiative: il fait sa cour à Camille, parce que Vinius l'y oblige; s'il se révolte, c'est que les soldats, mécontents de Galba et de Pison, l'y entraînent; il monte sur le trône grâce à la double trahison d'Atticus.

Ainsi Othon est-il loin des héros du genre de Rodrigue, d'Horace, de Polyeucte, qui sacrifient l'amour humain à la gloire ou à Dieu, après un débat aussi cruel que difficile; on peut se demander si l'amour d'Othon est tout à fait sincère. Il n'est même pas un monstre comme Cléopatre dans Rodogune, qui viole sans scrupule la loi morale pour assouvir son désir de régner.

Ce manque de carrure chez le héros peut décevoir un lecteur familier des chefs-d'oeuvre de Corneille. D'ailleurs, ce n'est pas seulement le héros qui manque de carrure mais la cour entière de Galba: l'empereur est vieux, faible et mesquin; les trois ministres sont des scélérats ou, pour le moins, des égoïstes qui ne pensent qu'à consolider leur pouvoir. Ici, le langage de la générosité que parlent tous les personnages ne sert qu'à masquer leurs calculs égoïstes.

C'est, paradoxalement, ce monde plein de méchanceté, de lâcheté et d'hypocrisie, qui nous intéresse au plus haut point, car il ressemble un peu au nôtre. Certes, Othon ne nous exalte pas, comme Le Cid ou Polyeucte le font par leur beauté sublime. Mais l'inquiétude que nous cause le monde odieux d'Othon, ne l'avons-nous pas éprouvée dans la vie? Ce genre de réalisme constitue l'un des charmes de la pièce.