Cinna fut représenté pour la première fois au Théâtre du Marais l'été 1642, à ce que dit R. Pintard dans "Autour de Cinna et de Poleuycte".
Pour apprécier la pièce, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un drame politique: "S'il est une tragédie parmi celles de Corneille, dit P. Bénichou, qu'il soit difficile d'abstraire du temps où elle a été écrite, c'est bien cellelà." En effet, Corneille semble s'être inspiré d'événements contemporains. Énumèrons-en quelques-uns: conspiration de Chalais, révolte des Va-Nu-Pieds, révolte de Comte de Soissons, conjuration de Cinq-Mars et de Thou, etc..
De ce point de vue, il n'est pas difficile de deviner qu'il calque la conspiration de Cinna sur celle de certains grands seigneurs contre Richelieu. La fin de la tragédie suggère une réconciliation: les Grands se soumettent au roi, sur la promesse que leurs privilèges seront respectés, ce qui constitue un rêve anachronique qui ne se réalisera jamais au 17e siècle. Mais s'il est quelque chose de correct dans la vision de l'auteur, c'est le fait qu'il se rend compte d'une sorte de nécessité historique qui exige la soumission des Grands au pouvoir royal. Au cas où Richelieu perdrait, une guerre civile et religieuse éclaterait de nouveau, ce qu'il faut éviter à tout prix.
Dans le dénouement, Émilie déclare à Auguste: "Le ciel a résolu votre grandeur suprême; / Et pour preuve, Seigneur, je n'en veux que moi - même: / J'ose avec vanité me donner cet éclat, / Puisqu'il change mon coeur, qu'il veut changer l'Etat." Sans aucun doute, c'est ici que se manifeste le consentiment à la monarchie absolue. Il y a là sans doute une prise de position politique de la part du dramaturge. Le revirement de Cinna et d'Émilie de même que celui d'Auguste ne se comprennent que du point de vue politique ou historique.