広島大学フランス文学研究 41 号
2023-12-25 発行

新聞報道から戯曲へ : ガストン・ルルー『司法官一家』La Maison des juges(1907)の場合

Du journalisme au théâtre: Le cas de La Maison des juges (1907) de Gaston Leroux
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Abstract
Au cours de ces dernières années sont parues de nombreuses études mettant en évidence l’influence du journalisme sur les oeuvres littéraires du XIXe siècle et de la Belle Époque. Ces recherches s’intéressent entre autres au cas de Gaston Leroux. À la fois journaliste du Matin et auteur à succès avec, notamment, Le Mystère de la chambre jaune ou encore Le Fantôme de l’Opéra, il s’inspire dans la plupart de ses oeuvres littéraires d’affaires qu’il a lui-même couvertes dans son journal. Nous nous intéressons plus précisément dans cette étude aux similitudes entre certains articles et l’une de ses pièces de théâtre, La Maison des juges, ressemblances qui n’ont pas encore fait l’objet de recherches.
D’abord, les erreurs judiciaires abondent dans La Maison des juges. On y trouve notamment problématisées la question des « preuves indirectes », qui favorisent ces erreurs judiciaires, et celle du « bénéfice du doute ». Pétrus Lamarque, patriarche d’une famille de magistrats, propose des réponses à ces questions dans la pièce, mais il ne fait que constater les limites de la justice humaine, distincte, selon lui, de l’idéal de justice.
Cette même justice humaine est remise en question par l’avocat Aga. Bien qu’il soit un ami des Lamarque, il défend Tiphaine, un homme qui a tenté d’assassiner un juge, dans un procès présidé par Jean Lamarque. Leroux transpose (parfois littéralement) dans ses propos sarcastiques le contenu de quelques articles de sa chronique judiciaire et l’oppose aux Lamarque, tourmentés par l’erreur judiciaire qu’ils ont commise. En jetant un regard ironique sur les juges et les avocats, Aga pose les premiers jalons du discours de Pétrus, qui se repentira d’avoir accordé plus d’importance à l’ordre public qu’à la justice.
La dimension journalistique de La Maison des juges peut également être évaluée en nous référant aux quatre principes de « la matrice médiatique » – périodicité, collectivité, effet rubrique et actualité – définis par Marie-Ève Thérenty (2007). Dans cette pièce, seul le quatrième principe a pu être mis en évidence : la volonté de coller à l’actualité apparait en effet dans le choix de thèmes – erreurs judiciaires, attentats – qui suscitaient au même moment de vives discussions dans la presse.
La Maison des juges a essuyé un échec au théâtre et, comme la pièce Alsace, elle est tombée dans l’oubli. De tels échecs ne doivent toutefois pas nous faire sous-estimer le dramaturge Gaston Leroux : dans un genre plus spectaculaire, des pièces telles que L’Homme qui a vu le diable (1911) ont rencontré quant à elles un franc succès et trouvé une forme de reconnaissance. Farceur et explorateur de la nouveauté, Leroux parvient davantage à déployer son originalité dans un théâtre fantastique et angoissant.
Rappelons enfin que le thème de l’erreur judiciaire sera repris dans la série Chéri-Bibi, roman-feuilleton à succès des années 1910-1920. Les exemples d’erreurs s’y multiplieront même jusqu’à l’absurde. La Maison des juges pourrait donc être considérée comme une répétition générale de cette série romanesque.