À la lecture des quatre traductions japonaises du Degré zéro de l'écriture, on est surpris du nombre important de phrases inintelligibles et chaotiques. Cette anormalité choquante réfléchit-elle le style du texte original français de cet auteur absolument révolutionnaire ? Ou provient-elle des versions japonaises ?
Dans la traduction interlangagière, non seulement des fautes simples, mais les différences des systèmes lexicaux et grammaticaux, peuvent déformer le contenu, parfois de façon irrémédiable. D'autre part, les expressions mises en texte ne nous transmettent pas toujours très précisément ce que l'auteur a vu ou pensé. En général, l'écrivain ne peut retranscrire qu'avec difficulté les mots propres à ses nouvelles visions ou à ses pensées originales, surtout au moment même où elles prennent naissance.
Avec quels mots Barthes a-t-il noté et présenté ses images et ses idées ? Si on n'observe que la surface de son langage, qu'il a rapidement adopté puis quitté sans l'élaborer au profit du développement prospectif, on risque fort de se perdre dans de nombreuses traces temporaires du processus de pensée active.
Pour réaliser en soi-même cette écriture critique en dépoiement, le contenu direct du texte ne suffit pas. Il faut coposséder ses nouvelles images et ses idées originales, apparues avant son écriture. En ce qui concerne la signification d'une figure rhétorique (métaphore, par exemple), elle ne se voit pas en totalité dans l'expression (présente) et le contenu véritable (absent). La distance entre ces deux termes sémantiques est en plus à mesurer. C'est ainsi que la vérité des faits stylistiques que l'on remarque dans le texte, ne pourrait jamais s'éclaircir, à moins de restaurer premièrement les images ou idées conçues par Barthes, puis d'en retracer la fixation, la colorisation et la composition.
Chacune des phrases est non seulement ambigüe, mais nous apparaît à la fois brute et artificielle dans la sélection des mots. Cependant les variations concentriques superposées forment des images fondamentales richement colorées, de telle manière que nombre de traits insignifiants de crayon font apparaître l'objet dans le dessin graphique.